jeudi 13 décembre 2012

"Comme la grenouille sur son nénuphar" - Tom Robbins

A l'heure où on vous rabache comme un mantra glauque que le monde est pourri jusqu'à l'os et que, financièrement et humainement : c'est la CRISE, il n'est rien de meilleur que d'ouvrir un des livres de Tom Robbins (voire Féroces infirmes retour des pays chauds et Un parfum de jitterbug, et bien plus encore, qui n'attendent que d'être répertoriés ici), de se barricader dans ses pages et d'en ressortir vivant. Remarquez que je n'ai pas dit indemne.

Gwen Mati, jeune courtière en Bourse parfaitement caricaturale mais néanmoins personnage très atypique, se morfond gravement après une chute économique et surtout aussi parce que c'est dans sa nature. Tout ce qui n'est pas billet vert ou objet de luxe n'a que très peu de valeur à ses yeux, et les autres gens ne lui attirent que du mépris en règle générale. Point important, vous allez devoir vous glisser dans sa peau, le temps d'un week-end. Dur.

Heureusement pour son salut, ce même week-end, elle fera la rencontre de Larry Diamond, un homme particulièrement cynique, au premier abord détestable, racoleur, et complètement barge. Et pire encore, il s'aligne sur les mêmes courants de pensée que son amie cartomancienne obèse. Mais que faire d'autre, lorsque vous perdez tout espoir de salut auprès des valeurs cotées en Bourse, qu'écouter ce drôle de pingouin aventurier vous parler des astres, des grenouilles et de sexe, en les reliant un par un pour vous démontrer par A plus B qu'il existe une alternative. Qui plus est, puisque votre petit ami est "deux fois plus gentil qu'il n'est chiant", que vous devez partir à la recherche de son singe kleptomane chrétien à travers tout Seattle, et aussi de votre amie étrange qui a disparu mystérieusement, autant dire que vous n'êtes plus à ça près.

Tout cette folle aventure en un seul week-end, ça a de quoi faire baver. Tom Robbins choisit ses mots et tourne ses phrases comme si c'étaient des oeuvres d'art, un tableau de Van Gogh à deux millions de dollars, et n'hésite pas à vous faire rire à gorge déployée, soit parce qu'il est fou, soit parce que le monde vous apparait comme un truc hyper démodé, rasoir, et courant à sa perte. Tout en poésie scabreuse et en métaphores métaphysiques, il vous retourne le cerveau comme un steak sur le barbecue et le laisse un peu grésiller, pour le plaisir de tout faire exploser. Bien sûr, toutes ses histoires sont entièrement fictives, surréalistes et loufoques, mais qui, ensuite, n'a pas envie d'y croire à fond les ballons ? Pourquoi la vie ne pourrait pas être aussi démente que les rêves qu'on fait la nuit ? Ou ceux qu'on a, enfant, tout simplement ?

Dans un monde parfait, Tom Robbins, Chuck Palahniuk et Jim Dodge seraient mes papas et m'auraient appris à écrire des livres. En tout cas ils m'auraient raconté des histoires TERRIBLES la nuit avant de me coucher et alors le monde aurait été autre. Ou peut-être pas. En tout cas, je reste intimement persuadée que ces trois hommes-là détiennent le secret de l'univers - pas moins. Et s'ils avaient pas été si vieux, j'aurais voulu qu'on fasse des bébés, juste pour qu'ils deviennent des génies machiavéliques inspirés.

Merci infiniment à Gallmeister, continuez à publier tous les ovnis de Tom Robbins, peut-être qu'un jour ça révolutionnera le monde (et pourquoi les français sont-ils toujours aussi frileux en matière de littérature ?!) - en tout cas pour le mien, c'est fait.

Et petit plaisir de la fin, voilà un extrait :
 "Les témoins ultimes, les voyeurs les plus intimes - voilà ce que sont les acariens. Quels livres ne pourraient-ils pas écrire, quelles histoires ne pourraient-ils pas raconter ! Imaginez les Mémoires d'une multitude de minuscules Malcom Lowry expatriés dans un Mexique de tissu éponge, marinant dans de la téquila de pellicules, vivant et écrivant sous le volcan de l'amour."
 par Mrs.Krobb

Comme la grenouille sur son nénuphar de Tom Robbins
Littérature américaine (traduite par François Happe)
Gallmeister, mai 2009
24,90 euros

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire