lundi 24 octobre 2016

"La veuve Basquiat" - Jennifer Clement

Jennifer Clement, une amie de Suzanne Mallouk, dite La veuve Basquiat, retrace avec justesse et intimité le parcours de cette jeune fille audacieuse qui a partagé sûrement plus que tout autre la vie du célèbre artiste Jean-Michel Basquiat, dont vous avez probablement déjà vu les peintures. Elle raconte son histoire comme si elle y était, d'autant plus que le livre est entrecoupé des témoignages directs de Suzanne, qui raconte les choses avec fraîcheur et empathie.

Et Suzanne avait poursuivi : "Je serai célèbre et je mangerai des artichauts." 

Que vous connaissiez ou non Basquiat, vous pouvez lire ce livre comme la biographie courte et explosive de deux jeunes amants ambitieux souhaitant révolutionner l'art et les mentalités dans le New York des années 1980. On y voit notamment une certaine ardeur à combattre le racisme - avec des exemples parfois très prenants et extrêmement touchants - , mais aussi à vouloir faire du quotidien une aventure riche en émotions et en créativité - ça, ils y seront arrivés. Mais à force de vouloir brûler la chandelle par les deux bouts, on se laisse vite embraser par la passion. Ou la drogue. Ou les deux. Sans oublier les accès de violence causés par cette dernière, dont ils se seraient bien passés, ayant eu tous les deux une enfance assez fracassante.

La troisième ou quatrième chose que Suzanne dit à Jean-Michel c'est : "Les talons hauts sont un complot contre les femmes, ils nous abîment la colonne vertébrale et nous empêchent d'avoir les pieds sur terre."

C'est ainsi que Suzanne - la Vénus - se retrouve en quelque sorte emprisonnée dans la cage Basquiat, amoureuse mais fatiguée et abîmée, avec une envie de s'en sortir assez mitigée. On la voit donc s'accrocher éperdument à cet homme qui se veut sauvage, indomptable, capricieux, perdu et dominateur - et on se retrouve finalement soulagés quand elle arrive enfin à s'en défaire, pour aller faire sa vie ailleurs, devenir quelqu'un, s'improviser artiste.

Mais si je suis allée à New York, c'est parce que j'avais vu Iggy Pop et que j'avais cru voir Dieu. Et parce que j'avais acheté par l'intermédiaire du magazine Interview le premier recueil de poèmes de René Ricard : The Blue Book. Je n'avais jamais rien acheté par correspondance mais quelque chose m'a dit de le faire. J'avais lu et relu ce livre comme une Bible. J'avais compris qu'un livre peut te saisir comme un bras et t'entraîner loin de tout ce que tu pensais comprendre. 


Ce livre se lit d'une traite, son écriture est tout bonnement parfaite, pleine d'innocence et de sourires en coin, colorée et zigzagante. On en apprend également beaucoup sur l'homme et l'artiste qu'étaient Basquiat, sur la façon dont il créait ses peintures, sur ses sources d'inspiration, sur le message qu'il voulait faire passer, sur ses travers également. Vous découvrirez aussi quelques autres personnes qui ont aidé à faire évoluer l'art américain à cette période. Plus que tout, ça a été un vrai bonheur que de découvrir celle qui s'était tapie dans son ombre, une petite grande dame généreuse, douce, enfantine, pleine de rêves et de caractère.

Un récit d'écorchés vifs, éclaboussant, rayonnant et intense.

par Mrs.Krobb

La veuve Basquiat de Jennifer Clement
Littérature américaine (traduction par Michel Marny)
Christian Bourgois, mars 2016
14 euros

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