jeudi 23 février 2017

"Electrons libres" - James Flint

Cooper James, jeune nerd mal dans sa peau qui travaille comme programmeur pour la base Royal Air Force en Angleterre, reçoit un jour à son travail une étrange boîte de café contenant... les cendres de son père. Qu'il n'a pas vu depuis vingt ans. A la suite de ça, et puisqu'il est plus ou moins démis de sa fonction suite à cette entorse à la sécurité du bâtiment, il décide de partir en Amérique, sur les traces de son défunt père, afin de retrouver la personne qui lui a envoyé ces cendres. En chemin, il se rappellera longuement son enfance, dans cette communauté hippie pleine d'adultes et d'enfants chacun aussi irresponsables, tous un peu artistes et avec des noms étranges comme Ash, Feuille ou Lune.

Mais surtout, avant d'être un road trip bizarre et hilarant, c'est un roman qui parle beaucoup de l'importance du nucléaire et de son fonctionnement, des revendications qui ont eu lieu à ce propos, des secteurs protégés où les déchets sont refilés comme une patate chaude en attendant de savoir quoi en faire. Plus qu'une satire de la mouvance hippie qui a été au coeur des manifestations contre le nucléaire, c'est aussi un petit traité sur l'art, qu'il soit engagé ou taillé dans la pierre, qu'il soit peinture d'auras ou pierre tombale. Un combat humain et idéologique où se croisent des opinions bien tranchées, des jugements acerbes et quelques personnages tous assez extrêmes ou flippants, à leur manière.
« On dit que Thomas Browne fut le dernier homme vivant à avoir lu tous les livres jamais écrits. (...) Tu arrives à imaginer ça ? Tu arrives à imaginer ce que ça doit être, d'avoir ingurgité la totalité du savoir humain ? »
J'essaie de m'en faire une idée. J'essaie d'imaginer ce que ça doit être de se sentir aux commandes de toute une culture, d'être à son sommet et de scruter tout ça avec un oeil d'aigle. J'essaie d'imaginer ce que ça doit faire de vivre dans un monde où on ne publie pas à chaque minute (en livres, journaux, périodiques, publications scientifiques sur le Web) l'équivalent d'une vie entière passée à écrire. J'essaie d'imaginer ce que ça doit faire de ne pas être cerné par les données, de ne pas crouler sous d'invisibles montagnes de choses empilées tout autour de vous jusqu'au ciel. J'essaie d'imaginer tout ça mais je n'y parviens pas. Je n'arrive pas à déterminer si c'est exaltant, déprimant ou résolument insignifiant.
Et tout ça, ce n'est pas juste du vent, puisqu'il s'agit également d'un récit inspiré d'une personne réelle en la personne du père de Cooper : James L. Accord. Oh, on ne vous le dit pas tout de suite ! Mais vous retrouverez un mot de l'auteur tout à la fin qui vous expliquera dans quelles circonstances a été écrit ce livre.

Entre l'aventure hallucinée de Not Fade Away et la plume critique de Douglas Coupland et celle de David Foster Wallace, ce livre vous fera voyager là où vous n'avez jamais eu envie d'aller, et là d'où vous n'êtes pas sûrs de revenir, en craignant un peu de déclencher les portails la prochaine fois que vous prendrez l'avion.

par Mrs.Krobb

Electrons libres de James Flint
Littérature anglaise (traduction par Alfred Boudry)
Au Diable Vauvert, décembre 2005
24 euros

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